L’exclusion de plein droit des entreprises en liquidation judiciaire
L’accès à la commande publique pour les entreprises en difficulté : mythe ou réalité ?
Voici le volet N°1 de notre série : l’exclusion de plein droit des entreprises en liquidation judiciaire.
Dans un contexte économique et géopolitique incertain, le taux de croissance du PIB français est stable ou augmente légèrement suivant les trimestres. Cette croissance atone a un impact direct sur le taux de défaillances des entreprises. En effet, selon les données de la Banque de France, ce taux est en légère augmentation en juin 2019
(+2,6% par rapport à 2018).
Parallèlement, les données publiées par l’Observatoire Economique de la Commande Publique montre une augmentation en volume de marchés publics conclus en 2018.
Dans une telle conjoncture économique, l’acheteur public doit être vigilant au regard des entreprises en difficulté :
– Quelles distinctions entre une entreprise en redressement et une entreprise en liquidation judiciaire ?
– Peuvent-elles accéder à la commande publique comme toutes les autres entreprises ?
– Quels sont les justificatifs à récupérer pour vérifier la situation de ces entreprises ?
Autant d’interrogations que nous allons traiter dans une série de deux articles : l’exclusion de plein droit des entreprises en liquidation judiciaire et l’exclusion conditionnée des entreprises en redressement judiciaire
Dans ce premier volet, nous traiterons de l’exclusion des entreprises en liquidation judiciaire.
Le code de commerce définit la procédure de liquidation judiciaire comme la procédure « destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens » (article L640-1 du code de commerce). Cette procédure vise donc à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou de réaliser (c’est à dire convertir financièrement) le patrimoine de l’entrepreneur par une cession de toute ou partie de ses droits et biens.
Dans une telle situation, une entreprise n’a plus de raison de candidater à un marché public car le jugement du tribunal de commerce, mettant fin à l’activité de l’entreprise, est exécutoire de plein droit (avant même l’expiration du délai pour exercer un recours). Toutefois, différentes situations peuvent se présenter à l’acheteur public.
1.1 – Liquidation prononcée avant le dépôt des candidatures et des offres
Aucune entreprise, pour laquelle un jugement a déjà prononcé sa liquidation judiciaire, ne devrait candidater à un marché public car, par définition, son activité est arrêtée au regard du jugement.
En revanche, il est plus plausible qu’une entreprise candidate à une procédure de marché public et que sa liquidation judiciaire soit prononcée après le dépôt des offres.
1.2 – Liquidation prononcée après le dépôt des candidatures et des offres
Au stade de l’analyse des candidatures, en application de l’article R.2143-3 du code de la commande publique, « le candidat produit à l’appui de sa candidature : 1° Une déclaration sur l’honneur pour justifier qu’il n’entre dans aucun des cas mentionnés aux articles L. 2141-1 à L. 2141-5 (…) ».
L’article L.2141-3 du code de la commande publique vise, notamment, les entreprises soumises à une procédure de liquidation judiciaire en application de l’article L. 640-1 du code de commerce ou faisant l’objet d’une procédure équivalente régie par un droit étranger.
En pratique, l’entreprise candidate « doit simplement » cocher une case dans la rubrique F « Engagements du candidat individuel ou de chaque membre du groupement » de la lettre de candidature (ou DC 1) pour attester sur l’honneur qu’elle n’est pas en situation de liquidation judiciaire et, le cas échéant, remet une extrait K-bis pour justifier sa situation.
Toutefois, et afin de prendre en compte le caractère non figé de la situation économique d’une entreprise, la lettre de candidature indique aux candidats, via un renvoi, que « lorsqu’un opérateur économique est, au cours de la procédure de passation d’un marché, placé dans l’un des cas d’exclusion mentionnés aux articles L.2141-1 à L.2141-5 (…) du code de la commande publique, il informe sans délai l’acheteur de ce changement de situation ».
Si l’entreprise informe effectivement l’acheteur public de sa mise en liquidation judiciaire en produisant le jugement, l’acheteur public doit rejeter sa candidature en application de l’article L2141-3 du code de la commande publique.
S’agissant d’une candidature d’un groupement momentanée d’entreprises avec une entreprise en liquidation judiciaire après le dépôt des offres, l’article L.2141-13 dispose que « l’acheteur exige son remplacement par un autre opérateur économique qui ne fait pas l’objet d’un motif d’exclusion, dans un délai de 10 jours à compter de la réception de cette demande par le mandataire du groupement, sous peine d’exclusion du groupement de la procédure ».
Dans les faits, il est possible que l’acheteur public ne soit pas le premier informé de ce changement de situation ou même jamais destinataire de cette information ; il ne pourra donc pas exclure automatiquement l’entreprise en liquidation judiciaire et candidate à la procédure en cours d’analyse des candidatures ou des offres.
Aussi, dans le cadre des procédures de marchés publics qui peuvent durer dans le temps et/ou portant des projets structurant pour l’acheteur public, l’acheteur public peut, de sa propre initiative, mettre les candidats « sous surveillance » afin de s’assurer qu’aucun jugement de liquidation judiciaire n’est rendu pendant la phase d’analyse des candidatures et des offres. Cette « surveillance » doit permette de s’éviter une mauvaise surprise au stade l’attribution du marché.
1.3 – Vérification de la situation de l’entreprise avant l’attribution du marché
Avant la transmission des courriers de rejet aux candidats évincés, l’acheteur public doit vérifier que l’entreprise (ou chaque entreprise du groupement momentanée d’entreprises) qui sera attributaire du marché public est à jour de ses obligations sociales, fiscales, en matière d’emploi des travailleurs handicapés (pour les entreprises de plus de 20 personnes) ou encore produire un extrait de son inscription au registre du commerce et des sociétés.
Pour ce dernier document, l’article R2143-9 du code de la commande publique précise que l’acheteur public « accepte comme preuve suffisante la production d’un extrait du registre pertinent, tel qu’un extrait K, un extrait K bis, un extrait D1 ou, à défaut, d’un document équivalent délivré par l’autorité judiciaire ou administrative compétente du pays d’origine ou d’établissement du candidat, attestant de l’absence de cas d’exclusion ».
L’acheteur s’attachera alors à vérifier l’absence de mention d’une liquidation judiciaire dans la rubrique « mentions des décisions intervenus dans des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire, de règlementation judiciaire et de liquidation des biens » de l’extrait K-bis.
Si l’entreprise (ou une des entreprises du groupement momentanée d’entreprises) ne produit pas les éléments demandés dans le délai requis par l’acheteur public, ce dernier devra solliciter l’entreprise (ou le groupement) arrivé(e) deuxième à l’issue de l’analyse des offres pour lui demander les mêmes éléments ; la candidature de l’entreprise, n’ayant pas fourni les éléments, sera considérée comme irrecevable.
En pratique, avant d’être mise en liquidation judiciaire, une entreprise passe souvent par une phase de redressement judiciaire, volet 2 de notre série d’articles.